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MEMOIRE - Master 2 Aménagement, Urbanisme et Développement des Territoires :

 

Quels leviers activer pour favoriser la production de logements à un prix accessible,

tout en réalisant un aménagement de qualité

et en respectant des contraintes budgétaires fortes ? 

 

 

Aujourd’hui, dans le cadre des concessions d’aménagement, les collectivités territoriales sont confrontées à la difficulté de favoriser le logement abordable tout en finançant des équipements publics de qualité et en limitant le déficit d’opération. Or les besoins en logement à un prix accessible sont croissants, compte tenu des difficultés d’accession à la propriété par les ménages.

           

Ce mémoire propose dans un premier temps une analyse chiffrée de la problématique du logement en France et en métropole lilloise en traitant tout d’abord la question de la demande en logements (augmentation du nombre de ménage, contraction de leur pouvoir d’achat), puis de l’offre (évolution des prix de l’immobilier, conséquences de la spéculation foncière, prix des logements neufs), et en abordant enfin les contraintes budgétaires des collectivités et leur stratégie foncière.

 

Dans un deuxième temps, le raisonnement de chaque type d'acteurs est analysé : promoteurs, aménageurs, collectivités. Pour chacun, les leviers pouvant être actionnés en faveur du logement abordable sont discutés.

L’étude du bilan des promoteurs permet d’identifier des leviers d’action sur les coûts de construction et de promotion immobilière. Cependant, elle met aussi en lumière les difficultés des promoteurs à faire baisser leurs coûts de production de logements neufs.

L’aménageur, lui, doit rester prudent quant à l’estimation de ses recettes en charges foncières, et chercher à limiter les dépenses. La collectivité peut l’aider en ce sens en travaillant sur le temps de l’aménagement et en limitant le transfert de risque.

Enfin, en reconsidérant la chaine de valeur foncière, on réalise à quel point la hausse du prix du foncier est pénalisante, à la fois pour la production de logement abordable et pour le financement des équipements publics. Il convient donc de chercher des moyens pour limiter le prix du foncier : au delà d’une stratégie de réserves foncières de plus en plus difficile à mettre en œuvre, la collectivité doit chercher à capter la plus-value foncière, et peut opter pour des solutions alternatives à l’acquisition et à la vente de foncier.

 

 

Stage de fin d’études :

Organisme : Métropole Européenne de Lille

Service : Développement Urbain et Grands Projets

Période : du 8 Septembre 2014 au 30 Janvier 2015

 

Tuteur professionnel :

Frédéric CAURIER, Chef de Service Adjoint, Développement Urbain et Grands Projets

 

Tutrice universitaire :

Annette GROUX, Professeur des Universités, Université Lille 1, UFR de Géographie et d’Aménagement

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Télécharger la première partie

(Introduction, Contexte) :

 

 

 

Télécharger la deuxième partie

(raisonnements du promoteur et de l'aménageur, leviers d'action de la collectivité sur le prix du foncier) :

 

 

 

 

 

Quelques extraits du mémoire...

 

CONTEXTE :

 

            Les collectivités se trouvent confrontées à des besoins en logements accrus en raison de l’augmentation de la population, du desserrement des ménages et du vieillissement de leurs habitants, les personnes âgées ayant tendance à conserver leur logement, même inadapté pour elles.

            Au delà de ces besoins accrus, les collectivités font face aux difficultés croissantes de leur population à se loger : baisse du pouvoir d’achat immobilier en raison de l’augmentation des prix et d’une contraction du pouvoir d’achat des ménages ; hausse de la part du loyer dans le revenu de locataires de plus en plus paupérisés ; charges trop élevées pour les personnes âgées qui restent dans des logements souvent trop grands.

            En parallèle, la spéculation immobilière a provoqué une hausse des prix du foncier. Elle a aussi facilité la hausse des coûts de la construction, donc des coûts d’aménagement, en permettant d’accroître les exigences et d’imposer de nouvelles normes de construction (phénomène conjugué avec la hausse du prix des matières premières).

 

            Ainsi, les collectivités sont confrontées à une difficulté à équilibrer leur budget, en raison de la baisse des dotations de l’Etat, de la hausse des prix du foncier et des coûts d’aménagement. Elles doivent pourtant satisfaire les besoins accrus en logements, augmenter la part de logement social proposée sur leur territoire, tout en limitant la périurbanisation, en respectant des objectifs accrus en matière de qualité environnementale, et en assurant une attractivité du territoire pour les entreprises.

            Jusqu’à une période récente, les promoteurs pouvaient produire des logements à des prix déconnectés des capacités d’achat des ménages sans trop en subir les conséquences : les ménages, craignant que les prix n’augmentent davantage, les achetaient ; et les investisseurs y trouvaient une certaine rentabilité, notamment grâce à des dispositifs incitatifs (fiscalité, prêts). Mais en cette fin de cycle immobilier, les mécanismes en jeu auparavant ne sont plus valables : après une forte hausse des prix du neuf, le rendement locatif s’est effondré, donc les investisseurs se tournent vers d’autres investissements plus rentables. Les promoteurs, dans leur politique de commercialisation, sont donc dans l’obligation de s’adresser essentiellement aux utilisateurs finaux des logements qu’ils ont construits. Or, avec la baisse récente des prix de l’ancien, la promotion immobilière se voit fortement concurrencée par les logements de seconde main.

           

            Ainsi, les intérêts des promoteurs rejoignent maintenant ceux des collectivités, autour du besoin des ménages : des logements à un prix abordable et adaptés à leurs besoins (modulables, adaptables au maintien à domicile, etc). Pour autant, on n’observe pas de baisse significative des prix du logement neuf, qui semblent bloqués à un niveau plancher. Au contraire, on observe une chute de la promotion immobilière : les promoteurs, ne pouvant pas vendre leurs biens à un prix élevé et se révélant incapables à baisser les prix, préfèrent ne pas lancer de nouvelle opération.

           

 

LE RAISONNEMENT DU PROMOTEUR :

 

 

           Si l’on s’intéresse au raisonnement du promoteur concernant le logement libre, la structure du bilan du promoteur est la suivante : ses recettes sont constituées par le prix du bien immobilier ; ses dépenses (figure 24) comprennent d’une part le coût d’acquisition du foncier, le coût des travaux (relativement fixe selon le type de construction) et une part variable.

 

Le raisonnement du promoteur pour calculer la charge foncière maximum acceptable est le suivant :

 

P  = A + C + v x P

 

où :

P = Prix de l’immobilier (ou chiffre d’affaires TTC) ;

A = Coût d’acquisition du foncier ;

C = Coûts de construction ;

v = part de frais variables selon le prix de l’immobilier P

 

 

D’où le coût d’acquisition maximum acceptable pour le promoteur :

A  = P x (1-v) – C

 

 

Ce coût d’acquisition comprend généralement 10% de frais (frais de notaire et taxe d’aménagement). De plus, à l’heure actuelle, les frais variables représentent environ 41% du CA TTC d’un promoteur. Par conséquent, la charge foncière admissible pour le promoteur, c’est-à-dire la charge foncière maximum acceptable, est aujourd’hui de :

 

F  = 0,53 x P – 0,9 x C

 

 

LES CHARGES FONCIERES : UN ELEMENT CLE DES RAPPORTS ENTRE PROMOTEURS ET AMENAGEURS :

 

            Recette pour l’aménageur, dépense pour le promoteur, la charge foncière est à l’intersection entre deux raisonnements déconnectés. D’un côté, le promoteur détermine un prix de terrain acceptable en fonction des prix de l’immobilier et des coûts de construction, par une méthode de compte à rebours. De l’autre, l’aménageur doit équilibrer son bilan d’aménagement : le prix de revient de son terrain doit être compensé par des recettes en charges foncières, auxquelles s’additionnent éventuellement des participations de la collectivité.

            Pour l’aménageur, le prix de revient du terrain se trouve donc confronté au prix du marché. Afin de s’assurer de la concordance des deux prix, il est donc dans l’obligation de mener conjointement son propre raisonnement concernant l’équilibre du bilan et le raisonnement du promoteur. Ainsi, « l’aménageur exerce son métier sous l’éclairage des contraintes qui lui sont propres, mais aussi et surtout, à la lumière des contraintes propres aux constructeurs, puisqu’il doit tenir compte de la charge foncière admissible par les bilans de ses acheteurs » (Pautigny, 1993).

 

 

LE RAISONNEMENT DE L'AMENAGEUR :

 

           Pour l’aménageur, le risque pris en estimant les charges foncières est considérable en raison de la longueur du temps d’aménagement : de 5 à plus de 20 ans, période sur laquelle il faut souvent composer avec plusieurs cycles immobiliers. Ainsi, dans l’exercice de constitution du bilan prévisionnel, l’aménageur est confronté à la difficulté d’estimer le montant des recettes. Pour construire son bilan, il doit partir sur des hypothèses qui peuvent vite se révéler obsolètes, d’autant plus que les dépenses également peuvent « déraper ». Il est donc très risqué pour l'aménageur d’anticiper des charges foncières élevées. La collectivité doit donc l'inciter, lors de la constitution de son bilan financier, à prévoir des charges foncières, non pas de manière très exacte, mais de manière plutôt approximative et modeste.

 

            Les dépenses doivent être envisagées d’après ces recettes modestes, d’où l’importance pour l’aménageur de bien contrôler ses coûts par une attention particulière à chaque poste de dépenses. La collectivité, quant à elle, doit veiller à ne pas transférer une trop grande part de risque à son aménageur, car le risque a un coût non négligeable. Elle devra notamment effectuer les études en amont qui lui permettront à la fois de bien estimer les dépenses (notamment de mise en état des sols) et de travailler le calibrage du projet. Ce dernier doit s’adapter aux enjeux de chaque quartier : densité, type de population visée, typologie d’habitat, équipements publics, qualité des matériaux, etc. En effet, les décisions de la collectivité concernant le programme d’aménagement choisi sont cruciales : elles ont un impact direct sur la qualité urbaine, la qualité de vie des habitants, mais aussi leur capacité à se loger à un prix acceptable. C’est la collectivité qui détermine où elle met le curseur. Son choix, éminemment politique, doit être adapté à chaque quartier selon ses enjeux, son potentiel, et les objectifs visés.

 

            Ainsi, on peut dire que le budget d’une opération d’aménagement est le reflet de la vision de la ville en général, et du quartier en particulier, souhaité par la collectivité : à travers les dépenses, on mesure l’ambition du projet. Les recettes doivent s’équilibrer avec les dépenses à deux niveaux : premièrement, de manière prosaïque, les recettes doivent compenser les dépenses, et la part financée par la collectivité reflètera son degré d’engagement pour transformer un quartier. Deuxièmement, au sein des recettes, les charges foncières conditionnent les prix immobiliers souhaités sur le quartier, donc déterminent en partie le type de population visé.

 

 

LE LIEN ENTRE CHARGES FONCIERES ET PARTICIPATIONS PUBLIQUES

 

             L'estimation des charges foncières peut être optimisée, mais cette optimisation reste limitée, face à l’importance du risque pris selon l’évolution des prix de l’immobilier anticipés. Or ces charges foncières sont la seule ressource provenant d’opérateurs privés.

 

             L’aménageur peut également rechercher des subventions, notamment auprès de l’Europe (FEDER), de la région et de l’Etat. Mais avant tout, une opération dont le financement ne se fait pas suffisamment par des recettes en charges foncières est nécessairement cofinancée par des participations publiques : en tant qu’opérateur en charge des équipements, la collectivité peut déléguer la construction à l’aménageur, mais elle doit prendre en charge le financement par des participations aux ouvrages (même si en retour elle peut aussi demander à l’aménageur une participation à hauteur des besoins  générés par l’opération). De plus, la collectivité peut venir compenser un éventuel déficit d’opération avec une participation à l’équilibre. Elle finance ainsi un déficit qui peut être lié aux exigences du programme : pollution du sol engendrant des dépenses non compensées par les charges foncières, charges foncières abaissées pour favoriser le logement social, etc. Enfin, les participations pour complément de prix permettent de baisser le prix du foncier pour favoriser l’arrivée d’un opérateur particulier sur le territoire.

 

 

 

LEVIERS D'ACTION DES COLLECTIVITES :

 

            Si l’on reconsidère la chaîne de création de valeur foncière, on se rend compte à quel point l’aménageur est contraint : le prix d’achat du foncier et le prix de vente des charges foncières sont essentiellement fixés par le marché. Ainsi, concernant le foncier, l’aménageur se trouve face à des prix quasi-imposés, à la fois dans ses dépenses et dans ses recettes. Cette contrainte impacte directement la collectivité qui, pour un programme donné, afin de rendre l’opération économiquement viable, peut choisir de compenser, par des participations publiques, les dépenses qui ne seraient pas équilibrées par des recettes privés. Ainsi, il existe un jeu de vases communicants entre la plus-value du propriétaire foncier et les participations publiques.

 

            Or la détermination des prix du foncier est par nature spéculative, et cette spéculation se fait aujourd’hui nettement au profit des propriétaires fonciers. Comment mieux capter la plus-value foncière au profit du financement des équipements publics et du logement abordable ?  Tout l’enjeu d’une politique foncière locale, c’est d’ « organiser une forte différentiation [entre le marché du foncier brut et celui du foncier aménagé] afin de rendre économiquement viable un processus de fabrication de terrains à bâtir qui ne soit pas trop tributaire des subventions publiques » (Comby, 2010). Au delà d’une stratégie de réserves foncières, difficile à mettre en œuvre aujourd’hui compte tenu de la conjoncture, le passage d’un aménagement public à un aménagement plus négocié peut paraître judicieux. On peut également se poser la question des solutions alternatives à la commercialisation de charges foncières : baux emphytéotiques, Community Land Trusts...

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